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Claude Lanzmann : témoin d’un siècle 17/01/2018
La Grande table (1ère partie) par Olivia Gesbert
du lundi au vendredi de 12h à 12h30Un témoin dans le siècle / Entretien Claude Lanzmann, cinéaste, écrivain et journaliste, pour Les quatre sœurs, quatre films diffusés les 23 et 30 janvier 2018 sur ARTE.
• Crédits : JOEL SAGET / AFP - AFPGrande Table spéciale Claude Lanzmann
"Ces quatre films sont aussi une tétralogie sur la culpabilité." Claude Lanzmann
Dans Les Quatre Sœurs, quatre femmes juives de Pologne, de Hongrie ou de Tchécoslovaquie, raconte le cauchemar qu’elles ont vécu, victimes de la grande machinerie nazie, déportées, témoins de la mise à mort des leurs. Elles racontent aussi le droit à la vie comme une loterie, pourquoi moi et pas une autre. Des revenantes - décédées depuis - que le réalisateur avait rencontré pour le tournage de Shoah, parties en Israël ou exilées aux Etats-Unis. Plus de vingt ans après la sortie de cette œuvre-monument, des récits qui continuent à dire ce que longtemps personne n’a voulu entendre. Et à montrer l’impossible. À 92 ans, Claude Lanzmann se souvient.
"Je ne me suis jamais guéri de la mort. Ce qui me scandalise le plus dans le monde, c'est de devoir mourir. Je n'aime pas la musique, et je n'aime pas mourir. Vous pouvez dire ça de moi." Claude Lanzmann
Voici le poème de Claude Lanzmann récité à la fin de l'émission :
"Je ne me souviens que de ce que j’ai appris par cœur.
Je me souviens avoir lu en Guadeloupe, à la Pointe des Châteaux, un poème de Saint-John Perse, buriné dans le granit d’une table d’orientation.
Je me souviens que le rocher de la Désirade se dressait dans le lointain, roide jet de l’ascétique et nu sur la mer des Antilles.
Je me souviens que mon émotion se redoublait de ces vers d’Apollinaire dont je me souvenais :
Je ne veux jamais l’oublier
Ma colombe ma blanche rade
Ô marguerite exfoliée
Mon île au loin ma Désirade
Ma rose mon giroflier
Je me souviens avoir recopié sur un carnet le poème de Saint-John dans le jour finissant. Je me souviens qu’un grain a éclaté à l’instant où je commençais à le déclamer.
Je me souviens avoir passé la nuit à l’apprendre par cœur. Le voici :
Ô toi qui pêches infiniment contre la mort et le déclin des choses,
Ô toi qui chantes infiniment l’arrogance des portes,
criant toi-même à d’autres portes,
Et toi qui rôdes chez les grands comme un grondement de l’âme sans tanière,
Toi, dans les profondeurs d’abîme du malheur
si prompt à rassembler les grands fers de l’amour,
Toi, dans l’essai de tes grands masques d’allégresse
si prompt à te couvrir d’ulcérations profondes
sois avec nous dans la faiblesse et dans la force
et dans l’étrangeté de vivre, plus haute que la joie,
Sois avec nous celle du dernier soir,
qui nous fait honte de nos œuvres
et de nos hontes aussi fera grâce
Et veuille, à l’heure du délaissement
et sous nos voiles défaillantes,
nous assister encore de ton grand calme
et de ta force et de ton souffle
Ô mer natale du très grand ordre
Et le surcroît nous vienne en songe à ton seul nom de mer.
Je m’en souviens toujours,je m’en souviendrai jusqu’à la mort,
j’apprends beaucoup par cœur."
• Crédits : SynecdocheIntervenants
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journaliste, écrivain, cinéaste
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Tags : lanzmann, claude, témoin d’un siècle
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