• Claude Lanzmann : témoin d’un siècle 17/01/2018

    La Grande table (1ère partie) par Olivia Gesbert

    du lundi au vendredi de 12h à 12h30
     

    Un témoin dans le siècle / Entretien Claude Lanzmann, cinéaste, écrivain et journaliste, pour Les quatre sœurs, quatre films diffusés les 23 et 30 janvier 2018 sur ARTE.

     
     
    Claude Lanzmann en 2016 
    Claude Lanzmann en 2016 Crédits : JOEL SAGET / AFP - AFP

    Grande Table spéciale Claude Lanzmann 

     

     

    "Ces quatre films sont aussi une tétralogie sur la culpabilité." Claude Lanzmann 

    Dans Les Quatre Sœurs, quatre femmes juives de Pologne, de Hongrie ou de Tchécoslovaquie, raconte le cauchemar qu’elles ont vécu, victimes de la grande machinerie nazie, déportées, témoins de la mise à mort des leurs. Elles racontent aussi le droit à la vie comme une loterie, pourquoi moi et pas une autre. Des revenantes - décédées depuis - que le  réalisateur avait rencontré pour le tournage de Shoah, parties en Israël ou exilées aux Etats-Unis. Plus de vingt ans après la sortie de cette œuvre-monument, des récits qui continuent à dire ce que longtemps personne n’a voulu entendre. Et à montrer l’impossible.  À 92 ans, Claude Lanzmann se souvient. 

    "Je ne me suis jamais guéri de la mort. Ce qui me scandalise le plus dans le monde, c'est de devoir mourir. Je n'aime pas la musique, et je n'aime pas mourir. Vous pouvez dire ça de moi." Claude Lanzmann 

    Voici le poème de Claude Lanzmann récité à la fin de l'émission :
     

    "Je ne me souviens que de ce que j’ai appris par cœur.
     

    Je me souviens avoir lu en Guadeloupe, à la Pointe des Châteaux, un poème de Saint-John Perse, buriné dans le granit d’une table d’orientation.
     

    Je me souviens que le rocher de la Désirade se dressait dans le lointain, roide jet de l’ascétique et nu sur la mer des Antilles.
     

    Je me souviens que mon émotion se redoublait de ces vers d’Apollinaire dont je me souvenais :
     

    Je ne veux jamais l’oublier
    Ma colombe ma blanche rade
    Ô marguerite exfoliée
     

    Mon île au loin ma Désirade
    Ma rose mon giroflier
     

     

    Je me souviens avoir recopié sur un carnet le poème de Saint-John dans le jour finissant. Je me souviens qu’un grain a éclaté à l’instant où je commençais à le déclamer.

     

    Je me souviens avoir passé la nuit à l’apprendre par cœur. Le voici :


    Ô toi qui pêches infiniment contre la mort et le déclin des choses,
     

    Ô toi qui chantes infiniment l’arrogance des portes,
    criant toi-même à d’autres portes,
    Et toi qui rôdes chez les grands comme un grondement de l’âme sans tanière,
    Toi, dans les profondeurs d’abîme du malheur
    si prompt à rassembler les grands fers de l’amour,
    Toi, dans l’essai de tes grands masques d’allégresse
    si prompt à te couvrir d’ulcérations profondes
    sois avec nous dans la faiblesse et dans la force
    et dans l’étrangeté de vivre, plus haute que la joie,
    Sois avec nous celle du dernier soir,
    qui nous fait honte de nos œuvres
    et de nos hontes aussi fera grâce
     

    Et veuille, à l’heure du délaissement
    et sous nos voiles défaillantes,
    nous assister encore de ton grand calme
    et de ta force et de ton souffle
     

    Ô mer natale du très grand ordre
    Et le surcroît nous vienne en songe à ton seul nom de mer.
    Je m’en souviens toujours,

    je m’en souviendrai jusqu’à la mort,

    j’apprends beaucoup par cœur."

    Les Quatre Soeurs 
     

    Intervenants

     

    L'équipe

    Production
     
    Réalisation
     
    Avec la collaboration de
     
    Production déléguée
     
     
     
     
    Disponible du 23/01/2018 au 21/03/2018
     
    Au fil d’une tétralogie bouleversante, Claude Lanzmann dévoile les récits de survie de quatre femmes réchappées de la destruction nazie, qu’il avait longuement interviewées pour "Shoah".
     
    Dans ce volet : Ruth Elias qui avait 17 ans lorsque les Allemands envahirent la Tchécoslovaquie. Réfugiée à la campagne sous une fausse identité, sa famille fut dénoncée et déportée à Theresienstadt en 1942.
     
    Ruth a 17 ans lorsque les Allemands envahissent la Tchécoslovaquie. Réfugiée à la campagne sous une fausse identité, sa famille est dénoncée et déportée à Theresienstadt en avril 1942.
     
    Ruth y retrouve son petit ami et s’y marie, tandis que ses proches reprennent un train vers les ténèbres. Pendant l’hiver 1943, elle est à son tour transportée à Auschwitz, dans le camp des familles tchèques.
     
    Quelque temps plus tard, alors que ses compatriotes sont menés à la chambre à gaz, la jeune femme, enceinte de huit mois, est miraculeusement sélectionnée pour partir à Hambourg déblayer les gravats d’une raffinerie bombardée.
     
    Sa grossesse découverte, les nazis la renvoient à Auschwitz, où elle tombe dans les griffes du docteur Mengele.
     
    Ce dernier lui permet d’accoucher, mais lui interdit de nourrir son bébé. Une nuit, une kapo, médecin, lui procure une seringue de morphine pour endormir son enfant à jamais.  
     
    Les vivantes et les morts Comme Le dernier des injustes, Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures ou Le rapport Karski, Les quatre sœurs puisent leur origine dans l’enquête monumentale entreprise par Claude Lanzmann pour la réalisation de Shoah.
     
    Plus de trois décennies après la sortie de cette œuvre majeure, le cinéaste a exhumé les déchirants récits de survie de quatre rescapées, auxquelles il consacre une magnifique tétralogie.
     
    La parole limpide, le regard pénétré d’une lumineuse vivacité, Ruth Elias décrit, entre deux airs mélancoliques d’accordéon, l’instinct vital qui l’a habitée, de Theresienstadt à Auschwitz, jusqu’à la mort de son bébé affamé sur sa poitrine bandée. Assise au côté de son mari – dont la souffrance, si elle avait un visage humain, serait le sien –, la Polonaise Ada Lichtman détaille, sans ciller et en cajolant des poupées, la litanie d’horreurs qui l’a conduite à Sobibor, pourchassée par cette terrifiante pensée : "Comment allais-je mourir ?" Toute d’élégance et de résistance, cramponnée à la résolution de ne parler qu’en son nom, Paula Biren raconte sa trajectoire de "privilégiée" dans le ghetto de Lodz et la honte qui l’a longtemps muselée.
     
    Enfin, la douce Hanna Marton, veuve depuis peu, qui se réfugie dans le journal d’époque de son mari comme pour retrouver ses bras aimés, confie l’inapaisable culpabilité d’avoir été sauvée par la vénalité d’Eichmann.
     
    Par-delà leurs singularités, qui éclairent des chapitres méconnus de l’extermination des Juifs,
     
    ces quatre femmes extraordinaires renaissent ici unies dans une relation sororale tissée d’intelligence tranchante, de courage inouï, de poignantes pudeur et dignité. Au fil des mots et des silences, que Claude Lanzmann sait si bien provoquer et respecter, la caméra effleure délicatement leurs visages pour saisir une larme ou un éclair d’effroi.
     
    Le cinéma, dans son dénuement le plus pur, nous les rend alors si présentes que ces quatre sœurs à la vie à la mort continuent, longtemps après l’écran noir, à habiter nos mémoires et nos cœurs. Film documentaire de Claude Lanzmann (France, 2017, 1h30mn)
     
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